La composition des façades
Après avoir passé en revue quelques normes régissant le dessin et l’implantation des portes et des fenêtres, des cheminées et des toitures, considérons avant de prendre le chemin de l’atelier pour nos premières constructions, quelles sont les différences significatives de composition et d’ordonnancement des façades selon l’implantation des maisons, de bourg ou rurale.
Deux mots sur la composition des façades
Maisons de bourg, organisées autour d’édifices institutionnels : églises, halles, châteaux, mairies ; ou maisons rurales souvent isolées ou encore groupées en modestes hameaux, en contact direct avec leur environnement, toutes disposent d’ouvertures, portes, fenêtres, lucarnes, dont les dimensions respectent des proportions et une implantation précises.
En modélisme, le respect de ces quelques règles est important afin d’obtenir un résultat équilibré et réaliste.
Mais, je ne parlerais naturellement pas dans ce chapitre des larges baies vitrées ou portes fenêtres en menuiserie d’aluminium des constructions contemporaines.
Considérons seulement pour le moment l’architecture traditionnelle de nos villes et villages.
Voyons cela.
Quelles sont les différences significatives de composition et d’ordonnancement des façades selon l’implantation des maisons, de bourgs ou rurales.
Les maisons de bourgs
Celles-ci sont intégrées dans une structure générale précise organisée autour des édifices institutionnels : église et presbytère, souvent au centre du village ; place et halle couverte abritant les marchés hebdomadaires qui rythment la vie locale ; mairie, qui remplaça bientôt le pouvoir de l’église ; école devenue obligatoire, avec sa cours de récréation. Dans les bourgs les plus modestes ces deux édifices n’en font bien souvent qu’un ; lavoirs et fontaines ; enfin, à l’écart, le château, parfois ceinturé de remparts rappelant l’organisation seigneuriale ancestrale, parfois ruiné également, la Révolution a laissé des traces !
Mais dans ce cadre strict, les limites entre bâti et environnement sont toujours parfaitement marquées. Les routes sont bordées de trottoirs ; les caniveaux participent à l’assainissement ; murs, clôtures et haies délimitent le parcellaire.
Ici, les maisons sont composées de deux niveaux, rarement plus, avec combles.
Dans le centre du village, le rez-de-chaussée est pratiquement toujours utilisé pour le commerce et l’artisanat, encore très présent dans les bourgs jusque dans les années 1970.
Souvenons nous ainsi du bazar tenu par un certain Landru (Noël Roquevert), dans le film Un singe en hiver...
Si cette boutique n’existe plus aujourd’hui, remplacée par un appartement, heureusement le Cabaret Normand a conservé quant à lui son nom et son aspect.
Enfin, les façades des maisons de bourgs s’ornent d’ouvertures symétriques pas forcément justifiées d’un pur point de vue fonctionnel, mais répondant à un besoin de prestige et d’affirmation d’un statut social au sein de la communauté.
Les maisons rurales
Différence fondamentale avec les maisons de bourg, les maisons rurales qu’elles soient isolées, ou groupées en modestes hameaux, sont toujours étroitement liées avec leur environnement naturel immédiat avec lequel elles entretiennent des relations par essence privilégiées.
Sans étages, seul le rez-de-chaussée est utilisé à fin d’habitation.
Les combles et les multiples annexes sont consacrées aux activités agricoles impliquant le stockage de quantités importantes de fourrages, de réserve de grains, de semences sans oublier le logement des animaux, de travail, bœuf ou chevaux, ou d’élevage, sans oublier les productions d’autosuffisance, jardin, basse-cour...
Les ouvertures sur la façade sont de formes et de dispositions variées, sans volonté d’introduire la moindre symétrie. Chacune correspond à une fonction précise dictée par la nature de l’activité agricole.
Cependant, l’emplacement et les dimensions de ces diverses ouvertures, répondent néanmoins à quelques normes et contraintes liées au système de construction du bâtiment.
Ainsi, les ouvertures sont-elles toujours situées non loin de l’axe des travées et éloignées des murs de refend, des poutres maîtresses et des entraits qui supportent le poids des planchers et de la couverture.
De la même manière, les ouvertures sont souvent disposées les unes sur les autres et selon un dessin vertical, de dimensions plus hautes que larges, ceci afin de réduire la portée des linteaux.
Enfin, l’ornementation des façades est souvent réduite à sa plus simple expression, traduisant en cela les principes mêmes de sa construction, faisant appel à des compétences et à un savoir faire local caractérisé plus par la modestie et l’esprit pratique que par la volonté de paraître.
Proportion des ouvertures
On peut considérer que quelque soit la région d’implantation d’une maison, rurale ou de bourg, sa porte d’entrée aura une proportion, exprimée en centimètres, comprise entre 80 par 190 et 90 par 200 ; une fenêtre s’inscrira généralement dans un rectangle de 90 par 135, 100 par 145 ou 110 par 160 ; une baie secondaire aura des dimensions de 50 par 60 ou 60 par 70 ; une lucarne de toit sur versant de toiture 60 par 75, 80 par 95 ou 90 par 125 ; une porte de dépendance ou de grange sera plus large que celle d’entrée de la maison avec un rapport de 90 par 190 à 100 par 200...
De la même manière, les volets qui protégeront la maison pourront être à barres, constitués de larges planches verticales assemblées par des barres de bois ; semi-persiennés, de type plus citadin apparus dès le XIX ème siècle afin d’assurer un éclairement partiel et la ventilation des pièces ; ou encore entièrement persiennés de conception beaucoup plus récente.
On n’oubliera pas certaines particularités locales ou régionales, comme les volets à jalousie à panneaux ouvrants que l’on retrouve à Nice par exemple.
Quoi qu’il en soit, le respect de ces justes proportions permettra de retrouver sur le réseau d’harmonie et le charme de l’architecture traditionnelle.
Portes et fenêtres en modélisme
En modélisme, plusieurs méthodes peuvent être mises en oeuvre pour la reproduction de ces éléments.
On peut tracer les fines boiseries au tire ligne alimenté avec une peinture acrylique, puis évoquer les reliefs par des profilés Evergreen de 0,25 x 0,7 mm de section, collés directement sur le vitrage après le traçage au tire-ligne.
On peut aussi imprimer sur transparent les dessins vectoriels des ouvertures. Il est préférable dans ce cas d’utiliser une imprimante laser plutôt que jet d’encre, qui aura tendance à perler à la surface.
A : porte d’entrée à vantail vitré 80/190 cm, soit 9/22 mm en H0
B : porte d’entrée à imposte vitrée 90/200 cm, soit 10/23 mm en H0
C : fenêtre 90/135, soit 10/15.5 mm en H0
D : fenêtre 100/145, soit 11.5/16.5 mm en H0
E : Fenêtre 110/160, soit 12.5/18.5 mm en H0
F : baie secondaire 50/60, soit 6/7 mm en H0
G : baie secondaire 60/70, soit 7/8 mm en H0
H : lucarne de toit sur versant de toiture 60/75, soit 7/8.5 mm en H0
Montants en bois 13 - 15 ; en maçonnerie 18 - 22 cm
I : lucarne de toit sur versant de toiture 80/95, soit 9/11 mm en H0.
Montants en bois 13 - 15 ; en maçonnerie 18 - 22 cm
J : lucarne de toit sur versant de toiture 90/125, soit 10/14.5 mm en H0
Montants en bois 13 - 15 ; en maçonnerie 18 - 22 cm
K : porte de dépendance 90/190, soit 10/22 mm en H0
L : porte de dépendance à vantail coupé 100/200, soit 11.5/23 mm en H0
M : Volets à barre, composés de larges planches de bois confortés par des barres horizontales.
N : Volets semi-persiennés assurant l’éclairement partiel et la ventilation des pièces.
O : Volets persiennés.
De l’utilisation du principe de module en architecture ...
Prenez en effet l’élévation de la façade du château, côté cours d’entrée. Vous allez me dire qu’elle est bien spécifique et que l’on aura du mal à en réutiliser le moindre de ses éléments.
Certes. Alors conservons uniquement la façade donnant sur le vestibule, en réduisant la hauteur par suppression de l’entre sol.
Déjà, vous n’avez plus besoin de l’escalier, la façade peut donc s’intégrer plus facilement dans une rue.
Vous supprimez les frontons, les bossages à chanfreins, l’habillage de la travée centrale pour remplacer tout cela par une maçonnerie de meulière et des parements d’angles en briques.
Vous ne conserverez ensuite que la lucarne centrale, que vous débarrasserez de tous ses ornements compliqués. Vous en réduisez les proportions légèrement pour la disposer dans l’axe de chaque ouverture de la nouvelle façade. Vous encadrez celle-ci de deux murs pignons recouvert d’un essentage d’ardoises dont vous recouvrez par la même occasion la totalité de la nouvelle toiture. Aux oubliettes les terrassons en zinc et les vasques prétentieuses !
Élévation d’une maison de ville en meulière construire sur la base de la façade principale du château style Louis XIII
Ainsi, à partir d’une noble façade de style Louis XIII, qu’obtenez-vous cette fois-ci ? Effectivement, une simple maison de ville.
Et pourtant, à la base, il s’agit bien du dessin et des côtes du château.
Point de prodige à tout cela, mais l’application du principe de modules en architecture, c’est à dire d’un ensemble de cotes plus ou moins invariables : hauteur de plafonds, dimensions des ouvertures, surfaces des pièces, qui définissent une proportion générale que l’on retrouve à de multiples exemplaires, simplement habillés de façon différentes.
Ainsi donc, à partir d’une bibliothèque de dessins de façades et de quelques éléments d’architectures comme des frontons, des lucarnes, des cheminées... il est possible d’obtenir des bâtiments très différents et variés et d’urbaniser une ville entière en miniature.
Un autre exemple ?
Partons cette fois des dessins d'une cité ouvrière. Commençons par enlever de leurs façades l’ensemble des parements en briques. Supprimons le crépi moucheté pour le remplacer par un mur de briques brutes.
Supprimons ensuite le fronton au-dessus du pan coupé, disposons deux ou trois lucarnes sur la toitures.
Nous obtenons le dessin ci-dessous dans lequel il est bien difficile de reconnaître la moindre parcelle de la cité ouvrière.
Maintenant, augmentez ce nouvel immeuble d’un étage supplémentaire. Installez une boutique au rez de chaussée. Dotez le d’une toiture à la mansart à deux pentes par versant totalement recouverte d’ardoises. Installez une lucarne au dessus de chaque ouverture, y compris sur la toiture du pan coupé et vous obtiendrez un ensemble cette fois ci véritablement imposant.
Avec un seul et même dessin, sans changer la moindre côte de base, vous construisez trois groupes d’immeubles parfaitement différents, mais qui existent bel et bien en réalité.
Et vous, comment allez-vous détourner les dessins du cahier central pour obtenir vos propres créations ?
Un autre exemple d’adaptation possible d’un dessin avec cet immeuble en brique réalisé à partir de l’élévation de la cité ouvrière.
Augmentez ce petit immeuble d’un étage et d’une toiture à la mansart et vous obtenez l’imposant groupe d’habitations que vous découvrez sur la gauche du cliché.