Les plans
C’est au pied du mur que l’on reconnaît le maçon dit-on. C’est également vrai pour le modéliste !
Et le pied du mur en ce qui nous concerne, c’est le dessin à l’échelle de la maquette à construire. Pour cela, sans vouloir reprendre la querelle des Anciens et des Modernes, vous avez le choix entre papier, crayon et Rotring ou ordinateur.
Table à dessin ou ordinateur, qu’importe, mais avant toute construction, la première étape consiste à dresser quelques plans !
Le plaisir nostalgique d’utiliser des objets aujourd’hui de collection ou la froide efficacité d’un logiciel de dessin. Pour ma part j’ai choisi : j’utilise les deux méthodes !
Papier et crayon sont souverains sur le terrain pour les prises de cotes, les croquis et les annotations. L’ordinateur n’a pas son pareil pour la mise au propre et l’étude des différentes variantes de la future maquette. Vous pouvez ainsi facilement adapter l’échelle de réduction d’une façade et l’imprimer autant de fois qu’il est nécessaire dans le cas d’une étude sur la perspective par exemple.
L’ordinateur permet un gain de temps incalculable en autorisant d’innombrables variantes, essais…
Mais, au fait, pourquoi et comment faire un plan ?
Ces plans sont effectivement nécessaires pour permettre ensuite de découper les différentes pièces constitutives de la maquette à construire. Dans l’idéal, une élévation de chaque côté visible sera réalisée, sans forcément rentrer dans les détails. Il suffit de déterminer précisément la longueur du mur, sa hauteur, l’emplacement des diverses ouvertures, portes et fenêtres et leurs dimensions ainsi que certains détails architecturaux, type de couverture, angle de toiture, positionnement des lucarnes et des cheminées...
Le plus important dans ce genre d’exercice n’est pas tant la précision millimétrique que le respect de la bonne proportion.
J’ai le souvenir d’un relevé de cotes sur une gare Ouest dont la façade côté cours était plus courte de 250 mm que celle côté voies ! Sur la maquette, les deux façades furent bien évidemment reproduites sans tenir compte de cette singularité...
Quoi qu’il en soit, obtenir ces quelques dimensions n’est pas toujours si facile. Les bâtiments peuvent avoir disparus, comme pour ceux de la rue normande traitée plus loin, ou être totalement ou partiellement inaccessibles, notamment en ce qui concerne les étages et à fortiori les toitures !
La collecte des informations et des photos.
Première source d’information, les photos. Si dans certains cas, une seul bon cliché peut être suffisant à condition d’avoir été pris sans engendrer de déformations importantes, donc avec suffisamment de recul par rapport au sujet, et en maintenant l’objectif parfaitement parallèle au plan du mur, en réalité, il est préférable de «mitrailler» le sujet pour disposer d’un maximum de plans rapprochés d’éléments de détail.
Il ne faudra pas hésiter à réaliser un grand nombre de photographies sur le terrain, quand c’est possible, en élévation, comme ici, sans oublier les détails…
Et c’est d’ailleurs bien souvent de retour à l’atelier, en observant ces photos que l’on se rend compte de certaines particularités.
Ainsi pour les maisons de la cité ouvrière que je vous présenterai en détail plus loin, on remarque qu’elles sont construites sur une rue légèrement en pente ce qui ne saute pas aux yeux immédiatement. En effet, sur la totalité de la longueur, les portes et fenêtres de chaque maison, ainsi que les toitures ne présentent aucun décrochement. La variation due à la pente se remarque au niveau des soubassements et de l’emplacement des soupiraux des caves dont les linteaux sont alternativement sous la banquette de briques, intégrés à celle ci, ou au-dessus. Ce détail m’avait totalement échappé au moment de faire les photos !
Autre cas de figure, l’ancien Hôtel Terminus du Mont Dore, bâtiment caractéristique construit à l’angle aigu de deux rues, dont l’une en pente descend vers la gare. La série de photos prise sur le site ne me permettait pas de savoir exactement quelle forme avait la partie supérieure de la toiture, construire à la Mansart à comble brisé.
Dans ce cas, c’est l’utilisation de la vue satellite de Google Street qui a apporté la réponse en me permettant de me rendre compte que cette partie était recouverte de zinc et en constatant par la même occasion sa forme en «coin».
Google Street est un formidable outil de recherche et de découverte permettant d’explorer en profondeur un site. L’outil 45° permet de tourner autour du sujet et d’accéder à des détails impossibles à obtenir « au sol », comme ici avec ce groupe de maison ouvrière.
Cependant, toutes les zones du territoire ne sont pas traitées avec la même définition et l’on a pas accès aux mêmes fonctions, notamment la possibilité d’obtenir des vues d’avion à 45°, extrêmement intéressantes, qui permettent de véritablement tourner autour du sujet, comme ce fut le cas avec la cité ouvrière par exemple.
J’ai pu ainsi compléter les prises de vues que j’avais réalisé sur le terrain par un cliché satellite et quatre photos à 45° réalisées tout simplement par capture d’écran.
Remontons le temps
Cependant, malgré toutes ses qualités, Google Street ne peut proposer que des clichés contemporains. Dans le cas de recherches à caractère historique, ou pour appréhender l’évolution d’un site sur quelques décennies, il faudra alors chercher dans la formidable bibliothèque des clichés aériens de l’IGN, accessible sur le site http://www.geoportail.gouv.fr.
La page d’accueil permet d’entrer le nom de la localité à explorer. En cliquant sur l’onglet «Remonter le temps», sur la droite de la page, on peut sélectionner le type de support que l’on souhaite : cartes d’état major ou photos aériennes.
Il apparaît alors un menu chronologique donnant accès aux différentes campagnes de prises de vues disponibles pour le lieu considéré, ainsi que la matérialisation sous forme d’une croix orange des points centraux de la zone couverte, désignés sous le terme «points nadirs». Il faut alors choisir en fonction de l’échelle, en préférant les vues au 1 : 10000ème, très détaillées.
Le site Géoportail permet d’accéder à la riche bibliothèque des photos aériennes de l’IGN.
Ces photos aériennes permettent d’étudier l’évolution d’un site sur de nombreuses années.
Notez que la prévisualisation des clichés est d’une qualité moindre que celle des clichés téléchargés.
Ceux-ci sont au format JP2 que l’on peut ensuite ouvrir avec Irfanview par exemple, logiciel téléchargeable sur http://www.irfanview.com.
Ces photos sont libres de droits et gratuites pour les campagnes les plus anciennes, payantes pour les plus récentes.
Enfin, n’oublions pas une autre piste intéressante en ce qui concerne la recherche documentaire, le site Delcampe qui donne accès à un grand nombre de cartes postales, clichés anciens et vieux papiers.
Ainsi, pour la cité ouvrière, j’ai retrouvé un cliché édité sous forme de carte postale en 1911 prise au moment de l’inhumation du Député Maire d’Elbeuf. Le photographe s’était placé sur le pont de chemin de fer en sortie de gare et dominait ainsi la totalité de ce groupe de maisons.
Cette vue permet de constater que 100 ans après, l’aspect général du lieu est resté le même. Par ailleurs, il n’est pas possible de se rendre compte de la pente avec ce cliché...
Conclusion : ne pas hésiter à multiplier les sources documentaires, les photos, les notes.
Le site Delcampe permet de compléter la documentation sur un site précis, cartes postales, documents, vieux papiers, on retrouve beaucoup de choses.
Les maisons ouvrières d’Elbeuf, vues du pont de chemin de fer en 1911, carte trouvée grâce à Delcampe.
Et maintenant, prenons les mesures qui s’imposent !
Un dessin à l’échelle, qu’il soit réalisé à la table à dessin ou à l’ordinateur, c’est quoi ?
C’est tout simplement diviser une dimension connue, par exemple la longueur d’une façade par un rapport correspondant à une échelle particulière, dans notre cas le plus généralement il s’agit du 1 :87 ème.
Ainsi, sur un dessin à l’échelle H0, une dimension réelle de 1 mètre sera-elle représentée par une cote de 1000 : 87 = 11,50 mm.
On comprends aisément alors tout l’intérêt de disposer du maximum d’éléments chiffrés : longueur de la façade, largeur et hauteur des ouvertures, portes et fenêtres, voir également des dimensions des briques ou des pierres de parements, qui peuvent être très utiles pour estimer avec une précision suffisante à nos besoins la hauteur d’un bâtiment qui reste pour l’amateur la dimension la plus difficile à relever sur le terrain.
Mais comment faire lorsque je n’ai à disposition que quelques photos et aucune cote ?
Ce n’est pas forcément le cas le plus facile, mais la situation n’est toutefois pas désespérée pour autant.
Prenons alors le temps d’explorer le cadastre, accessible sur le site http://www.cadastre.gouv.fr.
Après avoir rentré l’adresse et repéré la maison ou le groupe de maisons qui nous intéresse (les constructions sont en jaune, les rues et terrains en blanc), il est possible par l’intermédiaire de la palette «Outils avancés» accessible sur la partie gauche de la page, de sélectionner l’onglet «Mesurer» puis la règle afin d’obtenir les cotes de longueur et de largeur.
L’exploration du cadastre permet de situer les bâtiments, en jaune, dans leur contexte, avec les rues, en blanc.
Le site du cadastre permet de coter les parcelles et les constructions. La précision n’est pas millimétrique mais reste suffisante pour nos besoins.
Si les dimensions données ne sont pas d’une précision millimétriques, elles suffisent néanmoins pour notre usage.
Ainsi par exemple pour le groupe de maisons de la cité ouvrière, la longueur relevé sur le site du cadastre est de 37 m 70, soit 433.5 mm en H0.
Et pour la hauteur ?
Comptons les briques ! En sachant qu’une, avec son joint, mesure environ 60 mm de hauteur, il est facile d’en déduire la hauteur d’une maison.
Compter les briques et vous aurez facilement la hauteur de cette maison.
23 rangs de 60 millimètres de hauteur et voilà une dimension reconstituée !
Sur la photo, nous comptons 109 rangs du sol à la toiture, en n’oubliant toutefois pas la pente qui sera prise en compte dans une deuxième phase.
Ainsi donc, à ce niveau, la hauteur du bâtiment peut s’estimer à environ 109 x 60 mm = 6,54 m, soit 75 mm en H0.
Voilà déjà une base qui permet de construire l’ébauche d’un dessin.
Voyons maintenant cette fameuse pente. Au niveau des murs mitoyens entre les numéros 30 et 32, nous avons donc compté 109 rangs de briques. Au niveau de la façade du mur pignon du numéro 34, nous en comptons dix de moins, ce qui porte la hauteur à ce niveau à 99 x 60 = 5,94 m.
En vérifiant sur le cadastre, nous estimons la longueur des deux maisons numéros 32 et 34 à 15,16 m.
La pente de la rue est donc d’environ 6.54 - 5.94 = 0.60 m pour 15,16 m soit 3,9 %.
Ainsi, de proche en proche on en arrive à reconstituer les plans les plus complexes.
Table à dessin ou ordinateur ?
Table à dessin ou ordinateur, il est temps maintenant de dresser les plans de notre future maquette. Ici les dessins Illustrator des éléments de façade du château Louis XIII.
Le dessin à la table est plus poétique et peut dans certains cas mieux traduire l’original, comme pour des bâtiments anciens.